Echappant aux classifications, 
                                      par trop réductrices, l'art de Claudine 
                                      LOQUEN redonne à l'image toute sa 
                                      puissance d'évocation en nous faisant 
                                      entrer de plain-pied dans le monde déroutant 
                                      du rêve et du merveilleux. 
                                      Il n'est pas surprenant que le livre et 
                                      la poésie tiennent dans sa vie une 
                                      place privilégiée. Avec le 
                                      7e art, ils constituent la source à 
                                      laquelle son imagination s'abreuve depuis 
                                      toujours. Mais elle puise aussi bien ses 
                                      thèmes dans l'histoire de l'humanité, 
                                      avec une franche prédilection pour 
                                      des destins tragiques ou romanesques comme 
                                      le furent les vies de Jeanne d'arc, d'Ann 
                                      et Mary Boleyn, Joséphine de Beauharnais 
                                      ou l'Impératrice Elisabeth d'Autriche. 
                                      Car Claudine LOQUEN, avant tout, aime à 
                                      raconter ou s'approprier des histoires et, 
                                      comme elle est peintre et illustratrice, 
                                      elle le fait par le biais du trait et de 
                                      la couleur, passant allégrement du 
                                      papier à la toile ou au bois, de 
                                      l'encre à la technique mixte, en 
                                      ayant recours au collage, à la calligraphie 
                                      et aux chutes de tissus nobles qu'une amie 
                                      lui fournit. Cela vient lui rappeler que 
                                      sa famille compta en son sein quelques tisserands. 
                                      
                                      Dans sa charmante maison de Rouen, discrètement 
                                      dissimulée dans l'une des plus anciennes 
                                      et plus pittoresques rues de la ville (la 
                                      demeure, au Moyen-Age, abrita l'atelier 
                                      d'un affichiste), Claudine LOQUEN semble 
                                      vivre hors du temps, entourée des 
                                      ouvrages de ses héros emblématiques 
                                      : Jane Eyre, Nadja, Martin Eden. Le dernier 
                                      nommé nous replonge dans l'univers 
                                      sauvage et rude de Jack London, l'intrépide 
                                      voyageur des grandes solitudes enneigées 
                                      et l'auteur de Croc-Blanc. Rien d'étonnant 
                                      dès lors, à ce que les loups 
                                      jouent actuellement un certain rôle 
                                      dans l'imagerie féerique et ciselée 
                                      de Claudine qui dit avoir peu retiré 
                                      de ses cours du soir aux Beaux-Arts : " 
                                      En réalité, j'ai tout appris 
                                      par moi-même, en me rendant dans les 
                                      musées et en lisant des ouvrages 
                                      d'art
 " me confie-t-elle avec 
                                      une certaine nostalgie. Mais se nourrir 
                                      des chefs-d'uvre n'est-il pas le meilleur 
                                      moyen d'aller tout droit au cur des 
                                      choses ? D'une nature humble et sensible, 
                                      mais animée d'une énergie 
                                      sans concession, Claudine LOQUEN fait partie 
                                      de ces êtres pour qui la vie demeure 
                                      la grande pourvoyeuse d'enseignements, car 
                                      plus que les diplômes, elle vous met 
                                      en face de vous-même et du sel de 
                                      l'humanité. Tout au long de son itinéraire, 
                                      en exerçant successivement plusieurs 
                                      métiers dont celui d'enseignante, 
                                      Claudine LOQUEN a beaucoup appris et reçu, 
                                      chaque rencontre pouvant être une 
                                      occasion de découverte, de progrès 
                                      et de remise en question. Seuls ceux qui 
                                      croient savoir dédaignent les leçons 
                                      que nous apporte chaque jour qui passe. 
                                      Car aux yeux de l'éternité 
                                      nous ne sommes que de perpétuels 
                                      apprentis.
                                      Dans le domaine de la peinture Claudine 
                                      LOQUEN revendique sans ambages sa passion 
                                      pour Berthe Morisot, Emil Nolde, Charlotte 
                                      Salomon, Paula M. Becker ou encore Gaston 
                                      Chaissac, grande figure de l'art brut. Ces 
                                      noms à eux seuls suffisent à 
                                      situer ses propres attentes en matière 
                                      d'expression artistique. Mais ils définissent 
                                      moins un style qu'un état d'esprit. 
                                      L'expressionnisme, entre autres influences, 
                                      imprègne une part de sa recherche 
                                      que l'on assimilerait, à tort, à 
                                      l'art naïf, celui-ci ressemblant parfois 
                                      à un fourre-tout invraisemblable 
                                      ou le pire côtoie le meilleur. Ce 
                                      qui fait la richesse de l'uvre de 
                                      Claudine LOQUEN tient à l'extrême 
                                      fraîcheur de son inspiration, toujours 
                                      revivifiée par cette part authentique 
                                      d'enfance qui n'a cessé de l'accompagner 
                                      comme une inlassable veilleuse. Dans le 
                                      livre de Philippe Quinta qu'elle a si délicieusement 
                                      illustré - Comme en semant - j'ai 
                                      trouvé ce passage qui éclaire, 
                                      à mes yeux, toute la saveur de ses 
                                      travaux : Tu t'émeus de la moindre 
                                      chose. Cette aptitude à se saisir 
                                      du moindre objet et du moindre mouvement 
                                      de la vie est le signe d'une nature propre 
                                      à magnifier chaque instant. Je cherche 
                                      l'or du temps a dit André Breton 
                                      peu avant de livrer son dernier souffle. 
                                      Quoi de plus bouleversant que cette quête 
                                      ! Le secret des poètes est de le 
                                      trouver sans le savoir. 
                                     Luis PORQUET
                                      Lauréat de l'Académie française